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La voix des filles de Mnémosyne

1 février 2012

CHRISTO, Orange Store Front, 1965

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CHRISTO, Orange Store Front, 1965

 

 

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1 février 2012

Un trésor à ciel ouvert

« Les Nîmois n'ont pas été contents du tout du choix du projet de M. Foster , en remplacement de l'ancien théâtre (celui-ci a brûlé en 1952 – ndlr.). Je peux vous dire qu'il y a bien des Nîmois qui n'y ont encore jamais mis les pieds », se lamente Colette Girod, membre actif et trésorière de l'Association des Usagers de Carré d'Art. C'est à se demander si le soleil du midi n'a pas fini par aveugler les Nîmois. Ils bombent le torse avec fierté en montrant l'illustre Maison Carré – ce temple romain témoin des 2000 ans d'histoire de la ville de Nîmes, mais en oublient presque le majestueux cube de verre qui lui fait face : Le Carré d'Art.

            Dans le hall du bâtiment, une plaque nous informe : le Carré d'Art est né de l'imagination de l'architecte anglais Norman Foster (il est aussi l'architecte du Gherkin et du Millenium Bridge de Londres – ndlr.) et fût inauguré en 1993 par le maire d'alors, Jean Bousquet. A la fois médiathèque et musée d'art contemporain, le Carré d'Art est une véritable caverne – à ciel ouvert – d'Ali Baba . « Au départ, tout le travail de Carré d'Art, c'était de rassembler un maximum d’œuvres du bassin méditerranéen, et ça n'a finalement pas toujours été le cas puisqu'il y a eu des expositions allemandes, anglaises, etc. », s'enthousiasme Madame Girod. De fait, la collection du musée d'Art Contemporain de Nîmes est l'une des plus riche de France pour ce qui est des pièces datées des années soixante à nos jours. Elle se compose de 290 œuvres dont 73 sont des dons, 44 proviennent du dépôt du Fonds National d'Art Contemporain, et 11 du dépôt du Fonds Régional d'Art Contemporain du Languedoc-Roussillon. Actuellement, deux expositions, l'une permanente, l'autre temporaire, se font échos.

            Au premier étage, l'exposition permanente nous accueille et nous plonge immédiatement dans l'art des années soixante. C'est l'Orange Store Front de Christo, membre du groupe des nouveaux réalistes, qui débute l'exposition, offrant au regard du visiteur une composition dans laquelle se combinent bois, fusain, tissus et plastique. Datée de 1965, elle est une œuvre de début de carrière, mais l'intérêt non seulement pour le plastique, mais aussi la plastique, qui en émane, annonce les travaux d'emballage dont le couple Christo se fera l'auteur (il a emballé le Pont Neuf, à Paris, dans du polyester, en 1985). L'exposition permanente est une succession d’œuvres composites, les néons y côtoient des objets de récupération, une trottinette, des affiches lacérées, du métal compressé, mais aussi des séries de photographies qui interpellent le visiteur, tant par leur beauté intrinsèque que par leur simplicité déconcertante et énigmatique. Claude Viallat, peintre nîmois contemporain, apporte son grain de sel. A son propos, Colette Girod déplore : « C'est une œuvre qui n'est pas comprise par les Nîmois. » Viallat appartient au mouvement support/surface, qui naît dans les années 70, en réaction contre l'art précédent (le Pop Art, l'Optic Art...). Il libère ses toiles de leurs châssis et travaille avec des éponges, du crin de cheval, des toiles cirées. Il s'attaque directement à la matière et s'adonne, lui-aussi, à la récupération.

 

            Au second étage, l'exposition temporaire qui s'intitule « Pour un Art Pauvre (inventaire du monde et de l'atelier) », fait écho à l'art de l'enfant terrible de Nîmes. En place jusqu'au 15 janvier 2012, elle est, en partie, un hommage à l'Arte Povera italien des années 60 et une attitude contemporaine. Pas moins de huit artistes contemporains sont exposés et se retrouvent dans une même quête : l'économie des moyens et du geste conduisant au parachèvement de l’œuvre. Leurs noms : Abraham Cruzvillegas, Katinka Bock, Karla Black, Guillaume Leblon, Thea Djordjadze, Gabriel Kuri, Gyan Panchal, Gedi Sibony. D'origines extrêmement diverses, ces sculpteurs prêtent une attention toute particulière aux gestes premiers et tendent non seulement à brouiller les frontières entre l'objet fini et le matériau, mais, semble-t-il, entre l'espace et le temps. Avec Zeiger, Alex, Sommer, et Kalender, Katinka Bock cherche précisément cet effet. Les quatre pièces proposent globalement un assemblage de formes perpendiculaires qui mettent en valeur orthogonalité de la salle d'exposition. La pièce Kalender, est un éphéméride. Chaque jour, un des 94 cubes de terre vernissée bleue doit être déplacé, afin que le temps s'inscrive dans l'espace de la pièce. Chaque pièce, à sa façon, figure le temps qui passe, et au vu de l'ensemble, l'idée d'un cadran solaire doit frapper le visiteur. Pour la plupart, les œuvres de l'exposition ont été conçues spécialement pour elle (la poutre en bois à partir de laquelle est né Zeiger a fait un séjour dans le quai de la Fontaine – ndlr.). Éphémères par essence, elles n'accèdent à la postérité que par le biais de la mémoire émotionnelle des visiteurs.

            C'est une impression de propreté qui émane de « Pour un Art Pauvre », bien que les œuvres se teintent toujours de fragilité et d'instabilité (voulues). Cette impression paraît provenir non seulement des moyens utilisés, de leur origine (bois, poudre de maquillage, plâtre, céramique, mousse...), mais aussi de la parfaite combinaison entre la forme et les moyens. Pour Colette Girod, le constat est simple mais admiratif : « C'est du design ! ». Arrivés dans la salle de Thea Djordjadze, nous nous rangeons à l'opinion de cette ancienne professeure d'art plastique et passionnée d'art : les structures métalliques s'affirment, mais avec légèreté, alors que le bleu et le rouge contrastent, divisent et finalement habitent l'espace.

            Les huit nous transportent à la frontière entre l'art et la vie. Ils nous mènent dans leur atelier, où l'art est parfois en train de se faire. En ce lieu où les vanités artistiques et les idéaux mercantiles n'ont pas leur place, de presque rien peut naître un perfection à la fois éphémère et éternelle. Ne nous y trompons pas : un « Art Pauvre » constitue un véritable trésor. 

 

                                  No_l_2011_122

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  • Que Clio, Thalie, Erato, Euterpe, Polhymnie, Calliope, Terpsichore, Uranie et Melpomène nous entourent au quotidien ne fait aucun doute. Leur chant nous envoûte. Leurs voix nous hypnotisent.
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